A l’heure où certains imaginent conditionner l’indexation des loyers à l’efficacité énergétique d’un logement ou d’un commerce, il semble utile de s’interroger sur la pertinence d’un outil moins objectif qu’il n’en a l’air.
Au pays du surréalisme, le PEB devient roi !
Le certificat PEB (acronyme de Performance Energétique du Bâtiment) fait de plus en plus la une de l’actualité.
La crise énergétique que nous connaissons pour l’instant avec des prix du gaz et de l’électricité qui battent tous les records, conduit le monde politique et les médias à s’intéresser de plus près à ce fameux certificat PEB et fustiger, à cette occasion, les « passoires énergétiques », c’est-à-dire les habitations dont le score PEB est « G ».
C’est très bien mais nous sommes en Belgique, pays qui a vu naître le courant des surréalistes avec des peintres et artistes comme Paul DELVAUX, René MAGRITTE, Marcel MARIEN, Marcel DELMOTTE …
Dans le registre du surréalisme, ajoutons la lasagne institutionnelle belge avec ses nombreux niveaux de pouvoirs : le Fédéral, le Régional, le Provincial, le Communal. Ainsi, le certificat PEB est devenu une matière régionalisée. Et cela nous donne un nouveau et bien réel bel exemple de ce surréalisme à la belge.
Ainsi une habitation identique dans les trois régions du pays (Flandre, Bruxelles, Wallonie) aboutit à un certificat PEB avec un score différent.
Passoire énergétique ? C’est selon la région !
Le certificat PEB indique la consommation théorique annuelle calculée par mètre carré de surface brute de plancher de l'habitation (en kWh d’énergie primaire par m² et par an). Cette valeur ou la classe énergétique basée sur cette valeur, qui se veut plus facile à appréhender, doit permettre à l’acheteur ou au locataire potentiel d’évaluer le caractère économique de l’habitation sur le plan de la consommation énergétique. Plus cette valeur est petite, meilleure sera la classe énergétique et plus faible sera la consommation énergétique de cette habitation par rapport au nombre de m².
Le problème, c’est que chaque région a développé sa propre grille de score.
Voici les tableaux avec le score énergétique pour chaque région de notre merveilleux pays :
En région bruxelloise
Consommation par m² en kWh/m²/an
En région wallonne
Consommation par m² en kWh/m²/an
En région flamande
Consommation par m² en kWh/m²/an
Le score de « G » n’existe pas en Région flamande. Autre particularité surréaliste belgo-belge !!!
Concrètement, une habitation avec une consommation de 400 kWh/m² par an aura un score PEB de :
• G en région bruxelloise
• E en région wallonne
• D en région flamande.
Les différences du seuil pour être classé en score énergétique « G » ou « rouge » sont les suivants selon les régions :
Bruxelles | Au delà de 345 kWh au m²/an |
Wallonie | Au-delà de 510 kWh au m²/an |
Flandre (score F car D n'existe pas) | Au-delà de 500 kWh au m²/an |
Surréalisme disiez-vous ?
La question qui suit doit aussi être prise en considération : le score énergétique exprimé en kWh/m²/an est-il fiable et bien réel ?
La réponse est ici généralement négative. En effet, si le propriétaire a procédé à des travaux d’isolation il y a plusieurs années mais qu’il ne dispose pas ou plus de pièces justificatives pour démontrer la présence d’éléments à intégrer par le certificateur énergétique dans ses calculs et son rapport, le certificateur devra alors prendre en considération une valeur par défaut qui varie selon le type d’éléments concernés. Pour l’isolation des murs, par exemple, la valeur par défaut est fonction de l’année de construction du bâtiment. Ces valeurs par défaut sont toujours défavorables et le résultat du calcul sera donc moins bon.
Un de nos membres nous écrivait tout récemment que, entre la réalité de la consommation de son bien et la consommation théorique exprimée sur le certificat PEB, il y avait un écart tel qu’il décrédibilise ce certificat PEB. (voir ci-dessous le courrier d'un membre).
Conclusion
Le citoyen sensible à la performance énergétique de l’habitation qu’il occupe, qu’il veut acquérir ou donner en location restera perplexe avec un certificat PEB dont le score sera différent selon la région où est situé le bien en question.
Alors qu’en région bruxelloise, l’habitation est considérée comme « très énergivore » à partir de 345 kWh/m²/an, ce même bien en région flamande et en région wallonne obtiendrait un score bien moindre. C’est donc bien une aberration qu’il conviendrait de corriger et de faire disparaître. Un peu d’homogénéité s’il vous plaît ! Combien de Ministres autour de la table pour en débattre : au moins 3 si pas plus.
Mais aussi la fiabilité relative du certificat quant à la consommation par m² par an pose problème.
Certains politiques imaginent désormais utiliser ce certificat PEB pour le lier à une limitation de l’indexation des loyers, à une augmentation de la taxation, à l’obtention de prêts verts, etc….
Dans un premier temps, il serait préférable de remettre à plat la méthodologie de calcul qui aboutit à un résultat non conforme à la réalité de la consommation annuelle de l’habitation.
Notons que la Commission européenne a entamé fin 2021 la révision de la Directive sur la performance énergétique des bâtiments. La Commission explique que « la proposition de directive sur la PEB comprend des mesures visant à rendre les certificats PEB plus clairs, plus fiables et plus visibles. … Des problèmes ont été constatés en ce qui concerne la qualité des procédures et, en particulier, il subsiste une impression de manque de cohérence ».
Ne conviendrait-il pas également de refédéraliser ce domaine de compétences confiées aux régions afin d’avoir une homogénéité dans le score énergétique de l’habitation quelle que soit la région dans laquelle est située l’habitation ?
Prenons l’exemple d’un véhicule automobile. Quand le constructeur indique que le véhicule consomme en théorie 7,5 litres pour 100 km, c’est bien entendu une consommation identique pour le véhicule qu’il soit acheté par une personne en Flandre, à Bruxelles ou en Wallonie !!!
Mail du 29/08/2022 de notre membre M.F. de Chaumont-Gistoux
Pour une petite copropriété détenue par mon fils et par moi en Wallonie (3 appartements), les certificats PEB ont été établis en 2012 et viennent donc à échéance.
A cette occasion, j'ai comparé les consommations théoriques indiquées sur les certificats, aux consommations réelles des appartements durant 24 ans : la somme des consommations théoriques PEB annuelles pour les 3 appartements est de 123.554 kWh alors que les consommations réelles annuelles ne sont que de 60.000 kWh environ par an (en moyenne arithmétique 60.343 kWh). Ceci a pour conséquence que les appartements ont été placés respectivement en catégorie G, E et G , alors que sur base des observations, les valeurs réelles annuelles induisent en valeur médiane les lettres C,B et E et en moyenne arithmétique les lettres C,C et D .
Il faut noter que ces observations concernent un grand nombre d'occupants durant ces 24 années : respectivement 6, 10 et 9 ménages et que, par année, les valeurs indiquées sur les certificats n'ont jamais été atteintes en réalité, sauf 2 fois pour l'appartement classé "E" (pour des occupants excessivement frileux).
Je me suis donc renseigné auprès de professionnels (certificateurs , auditeurs en énergie et responsable de bureau de l'énergie de la Région wallonne) pour comprendre la situation . Leur réponse est unanime : "ce problème est bien connu des professionnels et des autorités " (reçu dans un mail de l'un d'eux). Certains d'entre eux ont eux-mêmes été victimes des règles de classification à l'occasion de vente d'immeubles (2 cas) pour les mêmes raisons que celles exposées.
Il en résulte que, si on se réfère à votre article dans le Cri de février dernier et en entendant ce qui se passe en France pour les logements F et G, nous pourrions nous retrouver à ne plus pouvoir louer nos appartements alors qu'en réalité ils sont moins énergivores que prétendu théoriquement.
(Il est évident, par ailleurs, que nous étudions les possibilités de réduire les consommations en investissant dans des projets en cours.)
Je me pose donc des questions sur la valeur des informations contenues dans ces certificats auxquels on accorde aujourd'hui beaucoup d'importance : faut-il mettre en cause la qualité de la méthodologie suivie (software, critères retenus,...) et ne conviendrait-il pas d'y apporter des améliorations ?
Je tenais donc à vous faire part de ce problème, non pas pour vous demander d'intervenir dans notre problème particulier, mais pour savoir si notre syndicat est conscient de cette situation , s'il n'y aurait pas lieu de réagir officiellement auprès des autorités, et en tout cas d' y donner une publicité , au moins en attirant l'attention des membres du SNPC.
Je tiens à votre disposition un dossier très précis prouvant la réalité de mes affirmations.