La Commission européenne a publié ce 15 décembre 2021 les modifications qu’elle souhaite voir apporter à la Directive du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD). L’occasion de rappeler les règles existantes ainsi que les enjeux de demain.
I. Des nouvelles d’Europe
A. Le mécanisme de la Directive
Lorsque l’Union européenne édicte une directive, elle donne les grandes lignes directrices aux États membres qui sont chargés de mettre en œuvre concrètement dans leur système juridique, le contenu de celle-ci. Exemple : la Directive du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments pose le principe de la neutralité carbone d’ici 2050. Il revient à chaque État membre de trouver le moyen législatif de l’atteindre.
La Directive européenne du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments a pour objectif de promouvoir l’amélioration de ladite performance énergétique des bâtiments. Elle a été promulguée dans la foulée du protocole de Kyoto. Son contenu est déjà une refonte d’une précédente Directive du 16 décembre 2002. Pour être complet, notons l’existence d’une directive du 30 mai 2018 en matière d’électromobilité.
B. La révision de la Directive sur la performance énergétique des bâtiments
Rappelons que le secteur de l’immobilier est particulièrement concerné par les engagements de l’Union européenne de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Comme nous venons de l’évoquer, la Directive de 2010 avait déjà des objectifs ambitieux. Nul doute que l’actualité climatique et énergétique, combinée à une prise de conscience croissante de ces enjeux, ont amené la Commission européenne à travailler sur une révision de cette Directive, afin de la rendre encore plus ambitieuse.
Le contenu de celle-ci poursuit plusieurs objectifs. Le premier est le maintien de la neutralité climatique en 2050. Pour y parvenir, la Commission européenne prévoit des normes obligatoires à respecter par les Etats membres.
La cible principale de la Directive sont les immeubles les moins performants au niveau énergétique (ceux qui obtiennent un score de G ou F au certificat énergétique des bâtiments - le certificat PEB désormais bien connu).
Pour ces immeubles qui sont les moins performants au niveau énergétique, la Directive impose une rénovation à l’horizon 2033, pour leur permettre d’obtenir un score supérieur à G. Cette obligation concerne tout le bâti, qu’il soit public ou privé, résidentiel ou industriel ou non, loué, occupé ou non. C’est donc à la fois le secteur citoyen mais aussi les entreprises qui sont soumis à cette obligation. Selon les calculs réalisés par l’Union Internationale de la Propriété Immobilière (UIPI), ce sont à peu près 40.000.000 d’immeubles qui sont concernés dans l’Union européenne tout entière.
D’ici 2033, les immeubles existants devront donc avoir relevé leur indice. Ce sera également le cas pour toutes les nouvelles constructions qui devront dès 2033, atteindre l’absence d’émission carbone.
Le projet de la Commission européenne, qui n’a pour l’heure pas encore été avalisé par le Parlement européen, est donc à la fois audacieux dans ses mesures et dans son timing. Il impactera très rapidement tout le secteur de l’immobilier à travers les Etats membres dans les prochaines années.
Ce projet comporte encore d’autres mesures sur lesquelles nous aurons peut-être l’occasion de revenir dans une prochaine contribution, mais les regards sont désormais tournés vers le Parlement européen pour connaître la version définitive qui sera retenue et promulguée.
II. En France
Il n’est pas inutile de regarder ce que font nos voisins en matière de performance énergétique des bâtiments et plus particulièrement en France depuis la Directive de 2010.
A. L’application de la Directive de 2010 à la sauce française
Comme nous l’avons exposé précédemment, la Directive de 2010 impose aux Etats membres de transposer le contenu de celle-ci dans leurs ordres juridiques.
Dès 2015, la France a adopté la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Cette loi a pour objectifs de diminuer de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et d’atteindre pour cette date, une réduction de 30% de sa consommation d’énergie fossile. Cette loi s’inscrit dans le prolongement des Accords de Paris sur le climat (qui a convenu de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degrés). Pour y arriver, la loi française impose de rénover les immeubles pour les rendre conformes aux normes françaises « bâtiment basse consommation » à l’horizon 2050.
La France ne va pas en rester là et va revoir à la hausse ses prétentions énergétiques puisqu’en 2019, une loi dite « énergie-climat » fixe des objectifs plus ambitieux comme par exemple la neutralité carbone à l’horizon 2050, et inscrit l’urgence écologique et climatique dans le code français de l’énergie. L’expression de « lutte contre les passoires thermiques » fait son apparition. Ce terme désigne un logement avec une consommation énergétique excessive. Enfin, le clou sera encore enfoncé avec la loi climat et résilience du 22 août 2021 qui impose encore aux propriétaires français de nouvelles obligations.
B. L’impact sur les propriétaires privés
L’application de ces mesures énergétiques n’est pas uniquement une déclaration d’intention. En effet, en application de la loi énergie-climat de 2019, un Décret a été promulgué et prévoit qu’au 1er janvier 2023 (l’an prochain), le logement qui dépasserait un certain seuil énergétique, deviendrait impropre à la location. En 2023, les passoires énergétiques ne pourront donc plus être louées avec des conséquences évidentes sur les baux existants à travers la France.
La loi Climat et résilience de 2021 a quant à elle introduit de nouvelles mesures pour lutter contre les logements énergivores en visant principalement les immeubles classés F et G à l’équivalent du PEB en France. Ainsi par exemple un bien classé G sera interdit à la location dès 2025, un bien classé F à partir de 2028 et 2034 pour les biens classés E. Encore, les logements classés F et G doivent réaliser obligatoirement un audit énergétique dès 2022.
Nous pouvons donc constater que la France a adopté clairement un comportement proactif vis-à-vis de la performance énergétique des bâtiments et des rénovations urgentes qui doivent y répondre.
III. Et la Belgique dans tout ça ?
A. La Région Wallonne.
En Région Wallonne, la transposition des directives européennes a été réalisée dans le décret PEB du 28 novembre 2013.
Ce décret repose sur les principes suivants :
• Une méthodologie de calcul de la performance énergétique des bâtiments (une manière uniforme de calculer) ;
• Des exigences minimales à respecter en cas de rénovation ;
• La mise en place d’un certificat énergétique pour les bâtiments neufs (publics ou privés), lors de la vente ou de la mise en location ;
• L’inspection régulière des installations importantes, c’est à dire le chauffage et la climatisation.
Le gouvernement wallon a adopté la stratégie d’imposer des normes énergétiques à mettre en œuvre principalement lors de travaux importants de rénovation ou de demande de permis. Ainsi par exemple, depuis le 1er janvier 2021, tous les bâtiments neufs doivent avoir un indice PEB A.
Nous apprenons également sur le site internet de Monsieur le Ministre du Climat, de l’Energie et de la Mobilité Philippe HENRY que :
« Le Gouvernement a marqué son accord pour le versement d’un subside de 3.244.450 € au consortium RENO+ pour mener une recherche-action sur la massification de la rénovation des logements privés, sur une période de 18 mois. »
Il s’agit d’un projet pilote pouvons-nous lire dans la Libre Belgique du 23 décembre 2021, par lequel le Ministre HENRY entend accélérer la rénovation des logement privés en Wallonie et notamment par la mutualisation des efforts en regroupant les rénovations. En septembre 2023, le consortium devra présenter les premiers résultats au gouvernement wallon.
La tendance est donc à l’accélération de la prise en compte de la performance énergétique des bâtiments.
B. La Région de Bruxelles-Capitale
La Région de Bruxelles-Capitale a quant à elle adopté une Ordonnance pour se conformer aux exigences européennes.
Cette norme législative repose sur trois axes :
• L’axe « Installations Techniques PEB » qui consiste à garantir un niveau de performance énergétique minimal par la mise en place d’exigences et de contrôles des installations de chauffage et de climatisation ;
• L’axe « Travaux PEB » qui comme en Région Wallonne, fixe des exigences à respecter en cas de demande de permis ou de rénovation ;
• L’axe « Certification PEB », désormais bien connu du lecteur qui consiste à produire un certificat PEB en cas de vente ou de mise en location pour informer le candidat acquéreur ou locataire.
IV. Conclusions
Le parc immobilier belge est constitué pour majorité de logements construits avant 1985 (75% en Région Wallonne), dont la performance énergétique n’est pas dans les exigences minimales imposées par l’Europe. Nos voisins français qui étaient plus confiants que nous sur la qualité de leur performance énergétique, ont rapidement déchanté devant les résultats des premiers audits obligatoires en copropriété (obtenu par un logiciel mis en place par l’Etat qui, il est vrai, est désormais décrié par le secteur). La transition énergétique est à nos portes et tous les propriétaires privés, publics, entreprises ou particuliers vont devoir investir des montants importants pour surmonter le défi énergétique et les engagements internationaux pris. L’Etat va devoir prendre ses responsabilités en venant en aide aux propriétaires qui souhaitent entreprendre de tels travaux d’envergure. En France, des bruits nous reviennent selon lesquels des propriétaires commencent déjà à revendre les passoires énergétiques plutôt de que les mettre en ordre, bousculant parfois le marché immobilier. La Belgique connaîtra peut-être le même sort plus vite qu’elle ne croit.