La secrétaire d'Etat au Logement veut bloquer/encadrer la hausse des loyers à Bruxelles. Est-ce la bonne solution pour limiter l’augmentation des loyers liés à la pénurie des logements ?
La région Bruxelloise a été particulièrement active en terme de règlementation du marché locatif à Bruxelles sur la dernière législature avec entre autres les interdictions des expulsions hivernales, la vente privilégiée au locataire, l’obligation d’enregistrement des baux à la région en plus de l’enregistrement au Fédéral, les commissions paritaires locatives pour renégocier les loyers trop élevés, l’ordonnance bail qui change encore diverses dispositions et rentrera en vigueur le 1er novembre 2024.
La secrétaire d’état chargée du logement veut continuer dans cette voie de règlementation à outrance. Son prochain projet est de bloquer/encadrer la hausse des loyers. Est-ce la bonne solution pour limiter l’augmentation des loyers liés à la pénurie des logements à Bruxelles ?
Tout d’abord, il faut comprendre que sur 30 ans, les loyers n’ont pas augmenté en terme réels, ils ont simplement suivi l’inflation. En revanche, sur la même période, le pouvoir d’achat des ménages a baissé en terme réels, entre autres, en raison de l’augmentation des impôts/taxes.
L’enjeu actuel est un manque de logement auquel la région n’apporte pas de solution avec les trois mesures phares mises en place :
Une incapacité des pouvoirs publics à créer (et garder habitables) des logements sociaux. Ici, il y a un échec car même si des logements sociaux ont été créés à grands frais sur la législature (presque 2000), quasiment autant ont été fermés sur la même période. Au final, le nombre de logement sociaux n’augmente pas depuis 20 ans, malgré de lourdes dépenses publiques.
Si elles apportent des solutions intéressantes pour les candidats locataires et les propriétaires, les AIS ne font que transférer le problème : elles permettent juste d’attribuer des logements de façon préférentielle à des locataires avec peu de revenus et ceci au détriment de ceux qui travaillent et ont un revenu légèrement supérieur.
Cela dit, le système des AIS démontre deux choses. D'abord que le logement a prix modéré fonctionne ...avec des subsides ! Ensuite que les propriétaires sont prêts à percevoir un loyer moindre ...quand on leur facilite la gestion au lieu de la complexifier sans cesse.La troisième mesure phare est la réglementation du marché locatif privé, via la mise en place de règles lourdes et contraignantes qui vont décourager les petits propriétaires privés et donc diminuer l’offre de logements.
Revenons au sujet du blocage des loyers, l’économiste suédois Assar Lindbeck a écrit : le contrôle des loyers est le moyen le plus efficace que nous connaissions pour détruire une ville, exception faite d’un bombardement.
L'exemple français
En dehors de cette maxime, prenons l’exemple récent de la France qui a régulé les loyers de 2019 à 2024 dans cinq grandes villes : une étude effectuée par le journal ‘Le Monde’ le 16 avril 2024 indique les résultats et conséquences de cette décision.
L’étude montre que d’une part, il y a effectivement un blocage à la hausse des loyers. C’est donc un succès à court terme. D’autre part, c’est un véritable échec à long terme, si on regarde la baisse de l’offre de logements sur quatre des cinq villes concernées qui baisse fortement à partir de la 3eme année après la mise en œuvre de la mesure :
Lyon, Montpellier, Lille avec un blocage depuis 2021 : baisse d’environ 30% de l’offre de logements en 2024,
Paris, où le blocage est en place depuis plus longtemps (2019), la baisse de 47% de l’offre de logements est dramatique.
Les raisons invoquées sont :
Conversion par les propriétaires des logements non meublés en logements meublés ou touristiques, non concernés par le blocage des loyers,
Décision de vendre et donc de ne plus louer.
Cet exemple récent prouve à nouveau que le blocage des loyers a un effet destructeur sur le marché locatif à long terme.
Nous avons déjà vu le résultat de la règlementation à outrance de la région bruxelloise sur le marché du gaz et de l’électricité : la région a voulu tellement protéger les consommateurs qui ne payent pas leurs factures avec pour conséquence la disparition de tous les petits acteurs du marché. Le Bruxellois ne peut plus acheter son électricité et son gaz que dans de grands groupes français (Engie et Total Energies). Juste l’inverse de ce qu’il fallait pour protéger les habitants.
Ces exemples sont-ils suffisant pour arrêter un politicien qui cherche des résultats à court terme (la mémoire des électeurs est courte en politique) même s’il sait qu’il crée un gros problème à long terme ?
Dans le contexte de la pénurie de logement, il semble évident que la solution n’est pas de détruire le marché locatif privé mais d’inciter les petits propriétaires à continuer à investir dans ce marché locatif privé. Plus de logements, c’est mieux pour les candidats locataires et cela baissera la pression sur les prix.
Les pouvoirs publics devraient donc travailler sur des incitants et non des ‘répulsifs’ pour les propriétaires locatifs à Bruxelles. Le blocage des loyers, c’est visiblement une fausse bonne idée.