Depuis ce 1er novembre 2022, le moratoire hivernal en Région wallonne fait obstacle aux expulsions jusqu’au 15 mars 2023 lorsque le bail a été résolu par le juge de paix. Ainsi en a décidé le législateur par un décret du 22 septembre 2022. Cette trêve hivernale ne doit pas empêcher les bailleurs de saisir le juge de paix et de postuler la résolution du bail. Voyons ensemble pourquoi.
1. Toutes les requêtes déposées suite à un arriéré de loyers n’entrainent pas nécessairement l’expulsion du locataire
Tout d’abord, de nombreuses requêtes déposées par le juge de paix n’aboutissent pas à un jugement ordonnant la résolution du bail et l’expulsion. En effet, l’intervention du magistrat dans son rôle de conciliateur et de juge, parvient régulièrement à faire en sorte que les éventuels arriérés soient apurés ou que les griefs invoqués par le locataire pour ne pas payer soient vidés. Dans ces cas, le dépôt d’une requête reste tout à fait intéressant, malgré l’existence du moratoire hivernal.
2. Le moratoire hivernal suspend l’exécution, pas le droit
Le moratoire hivernal prévoit que les huissiers de justice ne pourront pas mettre à exécution les décisions de justice qui permettent d’expulser un locataire, et ce pendant une période donnée. Le décret n’empêche pas d’obtenir dès à présent l’expulsion auprès du juge de paix mais uniquement de pouvoir le mettre en œuvre à partir du 15 mars 2023. Encore, le décret ne fait pas obstacle à faire procéder à la signification de la décision avec commandement de migrer. Le locataire pourrait quitter les lieux sans y être contraint. C’est donc la mesure d’exécution qui est suspendue pendant le moratoire, et non le droit lui-même de demander et obtenir l’expulsion du locataire.
3. Le moratoire n’empêche pas de récupérer l’arriéré de loyers de manière forcée
Nous rappelons une nouvelle fois que le moratoire hivernal ne suspend que les expulsions. Un bailleur qui obtient un jugement de résolution du bail avec condamnation à un arriéré locatif peut dès à présent tenter de récupérer sa créance s’il s’avère que son locataire est solvable. En outre, le jugement permettra immédiatement au bailleur d’entrer en possession de la garantie locative en déduction des sommes dues. Dans l’hypothèse d’une difficulté de trésorerie immédiate, cette perception reste très intéressante.
4. Un recours en annulation a été déposé par le SNPC
Un recours en annulation a été introduit par le SNPC devant la Cour constitutionnelle. Ce recours sera prochainement analysé et dans l’hypothèse où la Cour annule le décret, le moratoire pourrait être annulé purement et simplement dès le prononcé de l’Arrêt. Dans cette hypothèse, les jugements d’expulsion deviendraient immédiatement exécutables. Un propriétaire qui aurait patienté pour introduire sa procédure, perdra ainsi de précieux mois.
5. Le moratoire n’empêche pas le départ volontaire du locataire
Dans certains cas, le locataire qui est convoqué devant le juge de paix annonce son intention de mettre fin au bail et de quitter volontairement les lieux. Dans cette hypothèse, le recours à l’expulsion n’aura pas été nécessaire et le bailleur aura évité un risque de chômage locatif important. L’introduction d’une procédure est donc tout à fait intéressante.
6. Dans certaines hypothèses, le juge de paix peut ordonner l’expulsion malgré le moratoire
Le législateur a prévu que le moratoire n’est pas un obstacle absolu. En effet, le juge de paix pourrait spécialement motiver sa décision pour autoriser l’expulsion pendant la période de la trêve hivernale. Il ne peut le faire que pour des raisons de sécurité publique, de péril imminent pour la santé physique et mentale des occupants ou de dégradations volontaires des biens. Il est donc très important pour un propriétaire d’introduire sa procédure et expliquer la situation pour vérifier s’il n’entre pas dans les exceptions prévues par le décret.
7. L’introduction d’une procédure participe à la conscientisation du locataire
Un locataire qui ne paie plus son loyer parce qu’il pense être dans son droit ou qu’il est totalement protégé par le moratoire pourrait être conforté par le fait que son propriétaire ne bouge pas. L’introduction d’une procédure contentieuse démontre au locataire que les choses n’en resteront pas là et le juge de paix sera là pour le lui rappeler. Pour le bailleur, il n’est pas sain de ne pas réagir immédiatement en cas d’arriéré de loyers.
8. La responsabilité de la Région wallonne
Dans le cadre du recours en annulation porté par le SNPC devant la Cour constitutionnelle, nous évoquons le fait que les conséquences financières et économiques d’un moratoire hivernal éventuel doivent être supportées non pas par les bailleurs mais par la collectivité toute entière. Dans cette optique, il revient à la Région wallonne de mettre en place un système d’indemnisation des bailleurs concernés. Si la Cour constitutionnelle décidait de suivre ce raisonnement, la Région wallonne pourrait devoir mettre en place ledit système d’indemnisation. Il est donc tout à fait fondamental pour les propriétaires d’introduire les actions utiles dès à présent pour pouvoir dans le futur faire une demande d’indemnisation le cas échéant.
Conclusion
Par ces quelques exemples, nous avons pu constater que l’existence du moratoire ne devait pas faire obstacle à l’introduction d’une procédure devant le juge de paix. L’expulsion est en effet la mesure la plus extrême et reste statistiquement relativement peu fréquente. En outre, dans de nombreux cas l’introduction immédiate de la procédure reste tout à fait intéressante voire indispensable. Nous ne pouvons donc que vous encourager à introduire vos procédures devant le juge de paix, malgré le moratoire hivernal.