Il n’est pas rare de voir un copropriétaire interpeller le syndic en l’invitant à prendre attitude sur un problème existant, voire à présenter, en son nom, des griefs à un autre copropriétaire qui lui cause préjudice.
Quelle est la limite de son intervention ?
La réponse à la question posée requiert une analyse de la mission de syndic sur base des textes existants ainsi que sur la sphère de compétence de l’Association des Copropriétaires dont le syndic est le représentant.
1. Sur la mission de syndic
L’article 80 du Code de Déontologie des Agents Immobiliers – syndics précise : « L’agent immobilier – syndic, veille à adopter une stricte neutralité dans les conflits qui impliqueraient des copropriétaires ou des occupants et qui ne concernent pas la gestion de l’Association, sans préjudice de ses obligations légales ou conventionnelles ou du respect à attacher à une décision de justice ».
L’article 3.89 §5 de la loi régissant la Copropriété fixe l’ensemble des missions du syndic.
Ces missions reprises sous les paragraphes 1 à 16 sont multiples, la première étant bien naturellement d’exécuter et de faire exécuter les décisions prises par l’Assemblée Générale.
Il n’est nullement question de demander au syndic de jouer le rôle d’arbitre en cas de conflit entre copropriétaires.
Certes, il pourrait être soutenu qu’afin d’éviter une tension au sein d’une Copropriété, le syndic joue le rôle de médiateur.
Cette mission ne nous apparaît pas opportune car elle requiert une qualification et une technique particulière.
On ne s’improvise pas médiateur. La preuve en est que de multiples formations existent pour arriver à pouvoir exercer cette charge.
Il n’est d’ailleurs pas rare de voir une partie, en cas de médiation avortée, considérer que, lors de celle-ci, le médiateur a outrepassé son rôle en dirigeant le débat.
2. Sur la sphère de compétence de l’Association des Copropriétaires dont le syndic est le représentant
L’article 3.86 §3 relève : « L’Association des Copropriétaires ne peut avoir d’autres patrimoines que les meubles nécessaires à l’accomplissement de son objet qui consiste exclusivement dans la conservation et l’administration de l’immeuble ou groupe d’immeubles bâtis.
Le patrimoine de l’Association des Copropriétaires est composé, au minimum, d’un fonds de roulement et d’un fonds de réserve ».
L’objet est donc bien défini : conservation et administration de l’immeuble.
Mais attention, il ne s’agit que des parties communes.
Ainsi, comme la Cour de Cassation le précise d’ailleurs, l’Association des Copropriétaires est, en règle, la gardienne des parties communes de l’immeuble ou du groupe d’immeubles qu’elle a pour objet de conserver et d’administrer.
Cela signifie évidemment que le syndic, organe de l’Association des Copropriétaires, n’a pas à intervenir dans de nombreux différends.
Si un copropriétaire, dans un bloc mal isolé phonétiquement, se plaint de bruits fréquents en provenance de l’appartement de l’étage supérieur (musique ou tv avec une sonorité excessive, déplacement de mobiliers constants générant des bruits dérangeants, animal de compagnie aboyant, etc…), le syndic saisi d’une plainte ne doit pas intervenir.
Mais la frontière entre les litiges concernant les seuls copropriétaires et ceux intéressant l’Association des Copropriétaires, n’est pas toujours aisée à tracer.
Reprenons un autre exemple qui, hélas, est très fréquent.
Le propriétaire du premier étage subit une infiltration en provenance de l’appartement de l’étage supérieur.
Il importe de trouver la cause de cette infiltration.
Provient-elle des parties reprises dans l’acte de base comme étant privatives ou provient-elle éventuellement d’une canalisation intégrée et scellée dans les parties communes ?
Le syndic ne peut pas « rester au balcon ».
Certes, au départ, ce litige pourrait apparaître comme existant exclusivement entre deux copropriétaires.
Mais si l’origine du « vice » de la chose à la base du préjudice n’est pas, dans un premier temps, déterminée, le syndic, à tout le moins jusqu’à la découverte de l’origine de ce vice, doit se mobiliser.
Il ne suffit pas, pour le syndic, de dire que l’Association des Copropriétaires, qu’il représente, n’a commis aucune faute.
Rappelons le prescrit de l’article 1384 alinéa 1er du Code Civil toujours d’application (lequel fera l’objet du futur Livre VI du Nouveau Code Civil) « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses dont on a la garde ».
Et le gardien d’une chose est celui qui use de celle-ci pour son propre compte ou qui en jouit ou la conserve avec pouvoir de surveillance, de direction et de contrôle.
Tel est le cas de l’Association des Copropriétaires qui a le contrôle sur toutes les parties communes.
Et la victime de cette infiltration qui agirait sur base de l’article 1384 alinéa 1er du Code Civil, ne doit donc pas démontrer une faute dans le chef de l’Association des Copropriétaires représentée par son syndic mais peut se borner à prouver le vice de la chose en lien causal avec le dommage.
Le vice est défini comme une caractéristique anormale de la chose qui la rend, en certaines circonstances, susceptible de causer un dommage.
Ainsi, l’Association des Copropriétaires représentée par son syndic, en cas d’infiltration, sera présumée « fautive » si le vice qui a causé le dommage est dans les parties communes.
Certes, si l’Association des Copropriétaires démontre que le dommage (infiltration au 1er étage) est dû à une autre cause, elle ne sera pas tenue d’intervenir.
Tel est le cas si la rupture de canalisation provient d’une rupture des canalisations des parties privatives du 2ème étage.
ATTENTION toutefois : on pourrait envisager une responsabilité partagée si, alors même que l’infiltration provient du 2ème étage, le syndic, averti, ne prend pas les initiatives utiles et laisse « pourrir » la situation, ce qui est susceptible de voir les parties communes (structure entre les deux appartements) se détériorer.
La célérité dans la résolution de tels problèmes doit donc être la règle.
Comment alors agir ?
Nous pourrions proposer, lorsqu’un cas semblable se produit, la mise sur pied d’une convention qui reprendrait le canevas suivant :
« Entre, d’une part,
Monsieur X (propriétaire de l’appartement sinistré suite à l’infiltration).
Monsieur Y (propriétaire de l’appartement à l’étage supérieure susceptible d’être la cause de l’infiltration).
L’Association des Copropriétaires représentée par son syndic (gardienne des parties communes).
Il est convenu ce qui suit :
Les parties s’accordent sur la description du sinistre, dûment étayée par le dossier photographique joint à la présente convention (il faut annexer un dossier photographique).
A ce jour, l’origine de ce sinistre subi par Monsieur X reste à établir, les parties signataires ne pouvant avec certitude préciser si celle-ci ci se trouve dans les parties privatives de Monsieur Y ou dans les parties communes relevant de l’Association des Copropriétaires.
Aussi ont-elles fait choix d’un expert en la personne de … (à compléter).
Elles consentent à considérer les conclusions de l’expert comme leur étant opposables, en ce qu’elles déterminent l’origine du sinistre et les mesures à prendre afin d’y mettre fin.
L’expert évaluera ainsi le coût des travaux à entreprendre, l’éventuel chômage immobilier consécutif à ces travaux et les éventuels dommages subis à l’intérieur de l’appartement sinistré.
L’expertise sera menée dans le respect du contradictoire, chaque partie, lors de la transmission à l’expert d’éléments utiles, veillant, sous peine d’inopposabilité des conclusions finales, à transmettre copie de ces éléments aux autres parties.
L’expert, avant dépôt de ses conclusions finales, veillera à la transmission à chaque partie d’un avis qualifié de provisoire permettant ainsi à celles-ci, dans le délai de vingt jours qui suit sa réception, de faire part de leurs dernières observations.
Les frais d’une telle expertise, sans aucune reconnaissance préjudiciable, seront avancés par l’Association des Copropriétaires, pour compte de qui il appartiendra ».
Ainsi, le syndic, en travaillant de la sorte, joue son rôle jusqu’à détermination de l’origine du sinistre.
La clause reprise au point 8 (frais d’une telle expertise à charge de l’Association des Copropriétaires) nous apparaît légitime.
Pour ne pas tergiverser dans les discussions sur le support de ces frais, au nom de l’intérêt collectif, cette avance (avec récupération éventuelle à charge du responsable et/ou remboursement par l’assurance) doit permettre d’agir rapidement.
Il est important que le syndic veille à tenir au courant l’assurance de la Copropriété sur les démarches entreprises.
Il est déterminant, dans le chef de chaque partie, de veiller à dénoncer le sinistre à sa compagnie d’assurance préalablement à l’expertise et à lui faire part de l’approche ainsi suggérée justifiée par le souci d’une avancée rapide dans la résolution du problème.
Si la couverture contractuelle de l’assurance est acquise, il importe que les compagnies ne puissent objecter une absence de dénonciation du sinistre et une approche pragmatique à laquelle ils peuvent participer.
Rien n’empêche d’ailleurs qu’ils suggèrent eux-mêmes le nom de l’expert ou qu’ils délèguent aussi leur expert.
Leur participation ou un feu vert de leur part sur une telle approche ne leur permettrait pas de contester les conclusions consécutives à l’expertise.
Quelles seraient les assurances à prévenir ?
Celle de l’Association des Copropriétaires, celle du propriétaire sinistré pour les éventuels dommages intérieurs
S’il y a des assurances « Protection Juridique » distinctes, il serait sage de les tenir informées au cas où un blocage survient et si un débat judiciaire doit intervenir.
Conclusions
L’exemple ci-dessus présenté d’infiltration avec une cause préalablement non cernée et la suggestion d’une convention pour une avancée utile, vise à montrer que si le syndic est et doit être absent dans le litige entre copropriétaires, il n’en reste pas moins que, dans de nombreux cas, il ne peut rester en dehors du débat.
Il sera à cet effet rappelé l’article 3.89 §5 de la loi lui imposant comme mission « d’accomplir tous actes conservatoires et tous actes d’administration provisoire ».
Nous pouvons considérer que, lorsqu’il n’est pas démontré l’origine certaine d’un sinistre, le syndic, lorsqu’il se montre actif, par la mise sur pied d’une telle convention, pose un acte conservatoire.
Et un tel acte, vu l’urgence consécutive à la crainte d’un dommage ne cessant de s’accroître, ne requiert pas l’approbation préalable de l’Assemblée Générale.
Devoir réunir une Assemblée Générale pour permettre au syndic d’avoir le feu vert de celle-ci avant d’être partie dans une convention ci-avant suggérée, n’est donc pas requis.
Syndics, prenez donc rapidement, dans des cas semblables, vos responsabilités.