Dans un article du mois de decembre, nous évoquions que la grille indicative des loyers avait fait l’objet d’une révision en catimini.
Nous y revenons car le Député bruxellois David Leisterh (Chef de groupe MR) a posé une question orale à la Secrétaire d’Etat Nawal Ben Hamou lors de la séance de la commission logement tenue le 8 décembre 2022.
M. David Leisterh a bien compris que la révision intervenue avait pour principal but d’éviter de devoir appliquer à la grille indicative des loyers une indexation au 1er décembre 2023 de sous-estimer les loyers indicatifs annoncés.
La réponse de la Secrétaire d’Etat ne convainc pas. Si la GIL (Grille Indicative des Loyers) est une photographie du marché – comme elle le prétend dans sa réponse – force est de constater qu’elle ne connaît pas le marché car les résultats auxquels aboutissent la GIL sont systématiquement inférieurs au marché locatif bruxellois.
L’exercice peut se faire sur le site de Bruxelles Logement.
Quand un garage est estimé à 40 € dans la GIL, on ne peut que mettre en doute l’affirmation de la Secrétaire d’état, les chercheurs de l’ULB et les équations utilisées par ces chercheurs que la Secrétaire d’Etat qualifie d’indigestes. Effectivement, comme nous l’écrivions dans le CRI de décembre, la lecture des annexes aux arrêtés publiés le 19.10.2022 relève d’un doctorat en mathématique, incompréhensibles pour le commun des mortels.
Nous sommes impatients de découvrir les résultats de cette nouvelle étude (pour quel coût ?) décidée durant le premier trimestre 2022. Dossier à suivre.
Question orale de M. David Leisterh (MR) à Mme Nawal Ben Hamou, Secrétaire d'état à la Région de Bruxelles-Capitale chargée du Logement et de l'Egalité des chances concernant la révision subjective de la grille d'Indexation des loyers à Bruxelles.
M. le Président - En l'absence de M. David Leisterh (MR), sa question orale est lue par M. Bertin Mampaka Mankamba.
M. Bertin Mampaka Mankamba (MR)- Madame la Secrétaire d'État, votre cabinet a commandé une étude au premier quadrimestre 2022 qui ambitionnait de produire une grille indicative des loyers en Région de Bruxelles-Capitale. Cependant, il apparaîtrait que, sans attendre les résultats de la nouvelle étude, la grille indicative aurait été modifiée par des arrêtés du gouvernement bruxellois publiés le 19 octobre 2022.
Cette révision de la grille indicative des loyers s’inscrirait dans l’article 9 paragraphe 1er de l’arrêté du 19 octobre 2017, qui dispose que « le ministre révise la grille annuellement et au plus tard le 31 décembre précédant son année d’application. À défaut de révision dans ce délai, les loyers repris au sein de la grille sont indexés conformément à l’article 1728bis du Code civil ».
Selon M. Leisterh, la grille n’a jamais été révisée : les loyers mentionnés dans la grille indicative ont été simplement indexés aux 1er janvier 2019, 2020, 2021 et 2022. Une révision de cette grille, telle que réalisée en octobre 2022, empêche l’indexation automatique de celle-ci, comme indiqué dans l'article susmentionné.
Sachant qu’en 2022, l’indexation risque d’être supérieure à 10 %, ladite révision bloque l’indexation automatique et permet dès lors de ne pas tenir compte de l’indexation.
De plus, il apparaît que cette révision ne se base pas sur l'étude de 2022, mais bien sur celle de 2021. De même, la méthodologie de calcul semble très complexe et peu transparente. Mme Maison s'est d'ailleurs déjà préoccupée de cet aspect. Des éléments de nature à majorer le loyer ne semblent plus être autant pris en considération. Par exemple, un garage majorait le loyer à hauteur de 88 euros. Dorénavant, cette majoration se limite à environ 40 euros.
Qu'est-ce qui justifie la commande d’une étude en 2022 ? Pourquoi ne pas avoir attendu les résultats de celle-ci pour la modification de la grille indicative des loyers ? Au vu de ces éléments, quel sera l’objectif de l’étude de 2022 et à quoi servira-t-elle ? N'est-ce pas de l'argent perdu ?
Comment justifiez-vous la modification de la grille indicative en 2022 ? Cette modification a-t-elle pour objectif de rendre impossible toute indexation de celle-ci en 2023 ?
La grille indicative doit permettre au public d’avoir une vision réaliste des loyers actuels en Région de Bruxelles-Capitale. J'ai participé aux débats et confirme que c'était bien là l'esprit de l'ordonnance. Sa modification subjective et le non-respect de la révision annuelle soulèvent certaines questions, et principalement celle de la transparence. Comment expliquez-vous ce manquement à la fonction première de la grille indicative ? J'insiste sur le caractère indicatif de la grille, bien que les amis de M. Obolensky aient voulu la rendre contraignante. Pourriez-vous présenter, en détail, la méthode de calcul de l'outil ? Cette dernière a soulevé de nombreuses inquiétudes et suscité beaucoup d'observations au sein de cette commission.
Mme Nawal Ben Hamou, secrétaire d'État - Il semble qu'il y ait à tout le moins quelques malentendus concernant ce dossier. En effet, cette révision aura été tout sauf subjective. Quelques rétroactes vous permettront de mieux appréhender ce dossier.
En 2020, j'ai lancé un travail d'évaluation et de révision de la grille publiée en 2017. Cette révision visait deux objectifs :
améliorer la représentativité en remplaçant l'échantillon initial de 8.700 baux qui dataient de 2012, 2013 et 2015 par un nouvel échantillon de 15.000 baux datant de 2017, 2018 et 2020-2021 ;
améliorer le traitement statistique des données collectées.
Ce travail a abouti à un nouveau modèle, livré notamment par les chercheurs de l'ULB en août 2021. Cette nouvelle grille se basait non seulement sur ces données plus récentes et plus importantes, mais elle permettait également une prise en considération beaucoup plus fine de certaines variables affectant le loyer, en particulier la superficie et la localisation du bien.
J'ai donc décidé de proposer au gouvernement de remplacer l'ancienne grille par cette version révisée, sensiblement plus objective et qualitative. Ce travail a alors abouti à l'adoption de l'arrêté modificatif et la publication de la nouvelle grille.
Néanmoins, ce travail d’évaluation a également mis en évidence le besoin d’inscrire la révision de la grille indicative dans une perspective à long terme. En effet, même si la nouvelle grille a sensiblement amélioré l’information à disposition des Bruxellois et des Bruxelloises, il subsiste des marges d’amélioration. C'est pourquoi, outre la publication de la nouvelle grille, j'ai décidé de relancer un nouveau marché d’études en vue de doter la Région d’une vision méthodologique à plus long terme.
Cette mission est en cours et vise à revoir le mode de collecte de données, qu'il s'agisse des enquêtes de l’Observatoire des loyers, l’utilisation de données administratives ou le traitement des données collectées pour rendre la grille la plus fidèle possible et faciliter son actualisation par l’administration.
La modification de la grille indicative se justifie par un souci de transparence et d’efficacité. Elle a pour vocation d’être une photographie du marché. À partir du moment où nous disposions de données plus récentes, il m'a semblé approprié de faire évoluer le modèle sur cette base plutôt que de se contenter simplement d’indexer la grille précédente. Une telle approche aurait été malhonnête sur le plan intellectuel et contraire à la volonté du législateur.
L’arrêté du 19 octobre 2017 instaurant la grille indicative des loyers est clair quant au processus d'indexation. La grille est prioritairement révisée par l’apport de nouvelles données. L’indexation est un mode de révision par défaut, dans l’hypothèse où aucune révision n’aurait été effectuée.
Enfin, il serait particulièrement indigeste de vous communiquer oralement l’ensemble des équations utilisées pour le calcul des loyers de référence. Toutefois, l’ensemble de ces informations sont disponibles publiquement sur le site de Bruxelles Logement www.loyers.brussels
M. Bertin Mampaka Mankamba (MR) - Nous sommes impatients de revenir sur la méthodologie, car il serait intéressant de comprendre le processus qui a mené à la révision de cette grille. J'ai en effet le sentiment qu'elle avait été approuvée sur la base d'un compromis politique. C'est donc une question de transparence.
Madame la Secrétaire d'État parle d'une photographie. Pour qu'elle soit la plus utile possible dans notre Région, qui a besoin d'indicateurs pour gérer la crise du logement, il serait intéressant d'ouvrir le débat sur la manière dont les loyers indicatifs sont fixés dans certains quartiers.