Vous achetez une maison qui comporte des vices, que faire ?

Le CRI n°473 - Avril 2023
Vous achetez une maison qui comporte des vices, que faire ?

Dans le cadre de nos activités, nous avons été informés d’un cas intéressant qui a été soumis au Tribunal de 1ère instance de Liège – Division Verviers et qui a donné lieu à une décision le 20 février 2023 (non encore définitive). Le cas d’espèce concernait un acheteur qui se plaignait que l’immeuble qui lui avait été vendu n’était pas conforme ou à tout le moins vicié. Nous en reprenons ci-après les principaux enseignements.

Les faits de la cause

Les faits de la cause peuvent se résumer comme suit : un particulier achète une maison d’habitation dans la région liégeoise en septembre 2019. Postérieurement à l’acte authentique de vente, celui-ci se plaint de trois problèmes principaux dans l’immeuble à savoir : un problème d’humidité dans la cave, une coupole dont le problème d’humidité aurait été camouflé par de la frigolite et enfin l’installation électrique aurait été modifiée sans qu’aucune nouvelle attestation de conformité électrique n’ait été demandée. La personne qui a acheté le bien se plaint à son vendeur et estime pouvoir obtenir la somme de 27.578,98 € en dédommagement.

Grief 1 : L’humidité dans les caves

L’acheteur se plaignait notamment que l’humidité très importante dans les caves ne lui avait pas été signalée. Celles-ci auraient même été repeintes avant les visites. Le vendeur quant à lui estimait que l’humidité dans les caves était visible sans difficulté, que cela avait d’ailleurs été un argument de négociation du prix et qu’il n’y avait donc rien eu de dissimulé.

Grief 2 : La coupole

L’acquéreur expliquait également que pendant les visites du bien, il avait constaté qu’une coupole était endommagée et que notamment une partie des carreaux étaient recouverts de frigolite. Après la vente, il aurait constaté que la réparation occultait un problème d’humidité extérieure de la coupole. La réfection totale de la coupole avait été nécessaire.

Grief 3 : l’électricité

L’acheteur expliquait également avoir constaté que des travaux électriques avaient été effectués dans le garage et que le vendeur n’avait pas fait actualiser le certificat de contrôle électrique qui était antérieur. Aucun dossier d’intervention ultérieure n’avait été transmis. L’acheteur institue faire réaliser un nouveau contrôle à ses frais.

La thèse des demandeurs

L’acheteur développe sa thèse sur trois arguments :

  1. Le dol incident

  2. Un problème de conformité de la chose vendue

  3. Un problème de vices cachés.

La décision du 20 février 2023

Le dol incident

Le mécanisme juridique du dol est un vice de consentement. Il consiste à dire que l’acheteur n’a pas valablement donné son accord car il a été trompé par des manœuvres ou des mensonges et que sans ceci, il n’aurait pas conclu le contrat. Un dol principal met complètement à néant un contrat et fait comme s’il n’avait jamais existé. Un dol incident consiste notamment à un recalibrage ou une réadaptation financière car l’acheteur aurait conclu le contrat mais à d’autres conditions.

Le Tribunal commence par rappeler que l’immeuble vendu date de 1972 et nécessitait manifestement la réalisation de travaux. Le magistrat note également que le prix a été négocié à la baisse entre les parties en fonction de cette donnée.

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Le Tribunal poursuit son raisonnement et l’applique au sujet de l’humidité dans la cave. Le magistrat constate que les photographies publiées par le vendeur sur le site ImmoWeb au moment de la vente montrent clairement que le mur litigieux présente des traces d’humidité. En outre, l’agent immobilier chargé de la vente explique que l’acheteur lors de sa première visite était embêté par l’humidité de la cave. Un autre amateur potentiel a également constaté la présence d’humidité. Ces éléments conduisent le tribunal à conclure que rien n’a été caché à l’acheteur au moment de la mise en vente.

En ce qui concerne la coupole, le tribunal estime qu’une réparation provisoire ne peut être assimilée à une manœuvre frauduleuse destinée à cacher le caractère défectueux des joints de la coupole. De la même manière, au sujet de l’installation électrique, les travaux réalisés n’étaient pas de grande ampleur et rien n’a permis au magistrat de croire que cet élément aurait remis en cause le consentement de l’acheteur.

La conformité du bien vendu et la théorie des vices cachés

Après avoir rejeté l’argument du dol incident, le tribunal a examiné les deux arguments de conformité du bien vendu et de garantie des vices cachés. En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation aboutit à ce qu’on ne puisse, en principe, bénéficier de l’option entre l’action délivrance d’une chose conforme et l’action fondée sur la garantie des vices cachés. Cela signifie qu’une personne qui agit en justice, ne peut pas utiliser les deux arguments en même temps et doit faire un choix entre l’une ou l’autre des actions. Le Tribunal explique que si un acheteur agit en garantie des vices cachés, c’est qu’il a au préalable agréé la chose comme étant conforme. Il ne peut donc plus invoquer un problème de conformité de la chose vendue. En l’espèce, le tribunal estime que l’acheteur a agréé la chose vendue et ne dispose plus que de l’action en garantie des vices cachés.

La garantie des vices cachés et le bref délai

Comme nous avons pu l’évoquer au point précédent, le Tribunal a donc estimé que la seule action possible pour l’acheteur était la garantie des vices cachés. Toutefois, l’article 1648 ancien du Code civil énonce que l’action doit être intentée par l’acquéreur dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l’usage du lieu où la vente a été faite. À défaut, le magistrat rappelle que l’action est irrecevable conformément à la loi.

Le point de départ du délai est souvent la date à laquelle le vice a été découvert. Dans le cas d’espèce, l’acheteur a reconnu avoir pris connaissance des problèmes principaux à la fin de l’année 2019. Un courrier circonstancié est adressé par le notaire de l’acheteur en février 2020 mais ce n’est qu’en juin 2020 qu’une mise en demeure est envoyée au vendeur. L’action sera introduite par citation du 18 septembre 2020. Le Tribunal estime que l’acheteur a tardé à agir. L’action est irrecevable.

Conclusion

Ce jugement est riche d’enseignements. En effet, tout d’abord, cela doit rappeler aux candidats acquéreurs de vérifier et visiter méticuleusement les immeubles qu’ils souhaitent acheter. Il sera toujours très compliqué de se plaindre de l’existence de problèmes ou de vices par la suite. Nous rappelons également l’importance de constater certains éléments par écrit ou par dossier photos.

En outre, cette décision nous rappelle qu’il n’est pas possible de cumuler la procédure en délivrance d’une chose conforme et l’action sur la garantie des vices cachés. L’acheteur sera donc particulièrement attentif à ne pas agréer un bien qui pourrait s’avérer non conforme. En cas de difficultés, il est indispensable de s’adresser à son notaire avant de passer l’acte authentique de vente.

Enfin, ce jugement confirme la rigueur avec laquelle il convient d’introduire l’action en justice liée à la garantie des vices cachés et notamment la sanction extrêmement sévère du bref délai. Cela signifie qu’un acheteur qui estimerait pouvoir se plaindre de vices cachés doit introduire son action avec une diligence particulière et ne pas attendre de façon déraisonnable. En l’absence d’un délai fixe établi par la loi, l’appréciation du magistrat sera déterminante et sanctionnera un éventuel retard imputable à l’acheteur qui se plaint en justice.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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