Comment entraîner cette mobilisation ?
Dans l’article paru dans le CRI d’avril 2022, intitulé « Copropriétés – Panneaux photovoltaïques », nous relevions notamment l’importance de voir les syndics proposer un audit énergétique, ce point pouvant d’ailleurs faire l’objet d’une réforme législative en insérant cette mission supplémentaire à charge du syndic.
Nous faisions également état de ce qu’il pourrait être envisagé une majorité distincte des 2/3 à atteindre pour voir l’A.G. décider de travaux d’économie d’énergie à réaliser.
Nous relevions aussi que, pour une telle dépense (panneaux photovoltaïques), supportée par la Copropriété, l’approche, lors d’un vote, des copropriétaires occupants (devant eux-mêmes supporter la dette d’énergie), et de celle de ceux non occupants (continuant à laisser le support de cette dette aux locataires) peut être distincte.
Nous pouvons aussi poursuivre la réflexion en relevant que les locataires qui, in fine, doivent supporter ces charges devenant plus élevées, sont absents du débat qui se fait à l’Assemblée Générale, alors qu’en vertu du contrat de bail, ils doivent supporter une part importante de celles-ci, liées à leur consommation énergétique.
Force est d’ailleurs de reconnaître que le législateur, dans le droit de la Copropriété, ne leur a pas donné une place importante.
Certes, le SNPC défend les intérêts des copropriétaires mais, si nous voulons une défense harmonieuse appuyant de surcroît celle des copropriétaires occupants, il nous apparaît utile de permettre aux locataires de rentrer davantage dans le processus de décision relatif aux points les concernant.
Il ne s’agit pas de les inciter à se positionner sur ce qui relève du droit de propriété mais, à tout le moins, lorsqu’il s’agit du droit de jouissance du bien, de pouvoir émettre leur avis.
Cela serait d’autant plus logique qu’en vertu de l’article 3.93 §5, les décisions prises, selon le respect de certaines formes, sont opposables aux locataires.
Mais, malgré cette opposabilité, le droit de la Copropriété ne les cite expressément que dans deux dispositions légales.
L’article 3.89 §4, 6°, relève que le syndic est chargé « De communiquer à toute personne occupant l’immeuble, en vertu d’un droit personnel (donc locataire) ou réel, mais ne disposant pas du droit de vote à l’Assemblée Générale, la date des Assemblées afin de lui permettre de formuler, par écrit, ses demandes ou observations relatives aux parties communes qui seront, à ce titre, communiquées à l’Assemblée. La communication se fait par affichage à un endroit bien visible, dans les parties communes de l’immeuble ».
Il est très rare de voir des locataires formuler leurs observations.
Notons aussi que bon nombre de syndics apparaissent oublier cette disposition et ne prennent pas contact avec les locataires, ce qui ne permet pas à ces derniers d’être mis au courant de la date des Assemblées et de formuler, par écrit, des demandes ou observations.
Or, en matière de consommation énergétique, tous les occupants (en ce compris les locataires) devraient pouvoir, à tout le moins, exprimer leurs avis.
L’article 3.93 §5 (en-dessous du deuxième alinéa) relève : « Toute personne occupant l’immeuble bâti en vertu d’un droit personnel (donc le locataire) ou réel, mais ne disposant pas du droit de vote à l’Assemblée Générale, peut cependant demander au Juge d’annuler ou de réformer toute disposition du Règlement d’Ordre Intérieur ou toute décision irrégulière, frauduleuse ou abusive de l’Assemblée Générale adoptée après la naissance du droit, si elle lui cause un préjudice propre ».
Ainsi dans l’état actuel des textes, reconnaissons que les consommateurs d’énergie que sont aussi les locataires, ont des « outils » très limités pour faire entendre leurs voix.
Ils peuvent seulement communiquer leur avis à l’Assemblée Générale et entamer une action judiciaire après une décision prise qui leur cause un préjudice mais ils doivent démontrer la décision irrégulière, frauduleuse ou abusive.
N’y-a-t-il pas possibilité pour eux de faire entendre leur voix ?
Nous pensons que dans l’état actuel de la législation et aussi dans l’intérêt des copropriétaires occupants (ceux que le syndicat SNPC entend bien défendre), ils pourraient constituer un front permettant de faire avancer les décisions prises portant sur des travaux d’économie d’énergie.
Soyons pratiques et voyons comment présenter une stratégie adéquate.
Tout propriétaire occupant et locataire désireux de voir « passer » des résolutions utiles pour une économie d’énergie, devraient, avant une Assemblée Générale, se concerter pour présentation des points précis à mettre à l’Ordre du Jour.
Les copropriétaires occupants veilleraient à transmettre au syndic ces points utiles à mettre à l’Ordre du Jour et les locataires, dans le respect de l’article 3.89 §4, 6°, formuleraient par écrit au syndic leurs observations relatives aux parties communes qui seraient communiquées à l’Assemblée.
Les copropriétaires occupants, habilités à être présents à l’Assemblée Générale à l’inverse des locataires, ne manqueraient évidemment pas de rappeler les observations de « leurs alliés » et demanderaient que les observations écrites de ceux-ci, qui ont été préalablement envoyées au syndic, soient jointes au procès-verbal de l’Assemblée.
Si, nonobstant ce front ainsi constitué, le vote pour l’audit énergétique demandé (majorité absolue) ou pour des travaux utiles à une économie moins énergivore (2/3 actuellement) ne permet pas de voir passer les résolutions demandées, les copropriétaires occupants et les locataires pourraient introduire conjointement leur recours, respectivement sur base de l’article 3.92 §3 et sur base de l’article 3.93 §5, avant dernier alinéa. L’approche du magistrat cantonal, par rapport à ce recours conjoint, émanant d’une part de titulaires de droits réels (le ou les copropriétaires) et de droits personnels (le ou les locataires) ne pourra qu’être plus réceptive.
Dans l’attente d’un éventuel assouplissement des règles (actuelle majorité des 2/3), pour permettre, dans les Copropriétés, que soit plus aisé le vote portant sur des travaux réduisant la consommation énergétique, il faut « composer » avec les textes existants et nous pensons donc que la constitution d’une alliance (copropriétaires occupants et locataires) peut être une stratégie utile.
Pour reprendre la décision du Juge de Paix de WAVRE commentée dans notre article précédent, nous rappellerons :
« Il est hautement abusif, dans le contexte actuel de réchauffement climatique, de mettre des obstacles à la production d’énergie verte pour des seules raisons esthétiques ».
Nous voyons déjà poindre, par rapport à une telle approche, les critiques des propriétaires non occupants relevant que « faire la part belle aux locataires » (relevons toutefois qu’ils ne peuvent émettre qu’un avis certes pouvant être pris en compte ultérieurement par un Tribunal) consistent à nier un élément essentiel, soit celui du financeur des travaux à réaliser.
Ce ne sont évidemment pas les locataires, susceptibles de profiter des travaux réalisés avec la réduction de leurs charges de consommation, qui participeront à cet effort financier.
Nous relèverons toutefois que de tels travaux ne peuvent que constituer une plus-value pour les titulaires de droits réels (tous les copropriétaires).
Enfin, mais cela doit être l’objet d’une autre étude, il faudrait voir si, pour des travaux au profit de Copropriétés, il ne devrait pas être envisagé aussi des aides financières attrayantes des Pouvoirs Publics.
Comme précisé dans un récent communiqué de presse du SNPC, les copropriétaires sont actuellement victimes de mesures discriminatoires (absence de réduction de TVA sur les achats de gaz pour les installations collectives de chauffage), alors qu’ils sont de deux à trois millions de consommateurs personnes physiques impactées. Dans l’avenir, pour la transition énergétique, ils ne doivent pas être oubliés.