Dans le Cri du mois d’octobre 2021, nous vous présentions, dans ses grandes lignes, la réforme du droit des biens, nouveau Livre 3 du Code civil, entré en vigueur le 1er septembre 2021. Dans le présent article, nous nous attachons plus en détail à deux de ses articles, relatif aux distances des plantations entre les propriétés.
Auparavant, celles-ci étaient régies par les usages reconnus et constants et visées uniquement dans le Code rural. Le Code civil les consacre désormais, en simplifiant et clarifiant leur régime pour davantage de sécurité juridique.
Hautes tiges, basses tiges ?
En son article 35, le Code rural prévoyait : « Il n’est permis de planter des arbres de haute tige qu’à la distance consacrée par les usages constants et reconnus ; et, à défaut d’usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les arbres à haute tige, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres arbres et haies vives. »
A défaut d’une définition, la distinction entre un arbre à haute tige et un arbre à basse tige était une question de fait, laissée à l’appréciation souveraine des tribunaux (essence de l’arbre, son type d’aménagement, type de nuisances engendrées…), ayant donné lieu à une jurisprudence abondante et diverse.
Exit ces notions….Le nouvel article 3.133 du Code civil règle désormais la question, en distinguant les distances de plantations selon le seul critère de hauteur :
Les arbres de 2m ou plus doivent être plantés à une distance de 2m entre la limite de propriété et le milieu du tronc de l’arbre ;
Les arbres avec une hauteur de moins de 2m peuvent être plantés à 50cm de la limite de propriété.
Il peut y être dérogé par un accord avec votre voisin ou si les plantations se trouvent au même endroit depuis plus de trente ans.
Quelles sanctions ?
En cas de non-respect de ces distances, votre voisin peut exiger l'élagage ou l'arrachage (auparavant seule cette dernière mesure radicale était prévue) des plantations, à moins que le juge estime que cette demande constitue un abus de droit, en tenant compte, dans son appréciation, de toutes les circonstances de la cause, y compris de l'intérêt général. Ce qui donne une certaine souplesse dans l’application des sanctions strictes imposées par le Code, et donnera assurément lieu à une jurisprudence abondante.
Une hypothèse d’abus de droit est déjà prévue par le Code : votre voisin ne peut pas s'opposer à la présence de plantations qui ne sont pas plus hautes que la clôture existante entre les parcelles. Dans ce cas, s'il s'agit d'une clôture non mitoyenne, son propriétaire a le droit de s'en servir comme appui pour ses plantations.
Puis-je couper les branches/racines qui avancent sur ou sous ma propriété ?
Sous le régime du Code rural, le propriétaire n’était autorisé à couper des branches envahissantes que sur autorisation du juge, seules les racines pouvant être coupées soi-même.
Le Code prévoit désormais, en son article 3.134, que dans les deux cas, après avoir adressé une mise en demeure par envoi recommandé à votre voisin, s’il néglige de couper celles-ci dans les soixante jours, vous êtes autorisé, de votre propre chef et à ses frais, à couper ces branches ou racines et à vous les approprier.
Toutefois, en ce cas, vous assumez le risque des dommages causés aux plantations.
Vous pouvez également recourir à la justice pour exiger que votre voisin procède à leur coupe, sauf si le juge estime que cette demande constitue un abus de droit. A l’instar de l’hypothèse visée à l’article 3.133, le juge tiendra compte, dans son appréciation, de toutes les circonstances de la cause, y compris de l'intérêt général.
Le droit d'exiger l'enlèvement ne peut s'éteindre par prescription : ainsi le fait de laisser des branches ou des racines s’avancer sur votre fonds ne constitue qu’une simple tolérance et ne peut aboutir à une prescription acquisitive.
Le Code précise encore que les fruits qui tombent naturellement des arbres sur un bien immeuble contigu appartiennent à celui qui a la jouissance de ce bien immeuble contigu.
Ne perdez pas de vue que l’abattage de certains arbres nécessite un permis d’urbanisme préalable, ou une demande d’autorisation auprès de la commune. Nous en reparlerons dans un prochain article.