Les infiltrations dans les appartements restent et resteront toujours un point litigieux.
Lorsque des habitations, comme des appartements, sont imbriquées les unes dans les autres, la survenance d’un sinistre est statistiquement plus probable.
Nous avons déjà consacré un article aux questions liées aux terrasses, aux infiltrations à partir de celles-ci et à l’intérêt d’un examen attentif des actes de base aux fins de déterminer ce qui est commun et privatif et nous rappelions à cet effet l’article 3.84 du Nouveau Livre III du Code Civil prévoyant :
« Dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputées communes les parties de bâtiment ou de terrain affectées à l’usage de tous les copropriétaires ou de certains d’entre eux ».
A la lumière d’une décision prise par la Justice de Paix de DENDERMONDE (R.C.D.I., 2021/3, p. 22), nous voudrions aborder la question de la responsabilité du copropriétaire bailleur, de l’Association des Copropriétaires et du locataire en cas d’infiltration constatée.
Reprenons le sommaire de cette décision :
« Lorsqu’un appartement est déclaré inhabitable à la suite de la formation de moisissures importantes dans les murs et que ce défaut est imputable au mauvais état des murs extérieurs de l’immeuble, l’Association des Copropriétaires doit en être tenue pour responsable et indemniser le propriétaire de toutes les indemnités auxquelles il est condamné à la demande de son locataire ».
Dans le cas d’espèce, le copropriétaire-bailleur mis en cause par son locataire eut le réflexe utile : attraire devant le Tribunal « le gardien des parties communes » aux fins de répercuter la demande de son locataire sur l’A.C.P.
Cette responsabilité de l’Association des Copropriétaires est liée à l’application de l’article 1384 du Code Civil relevant :
« On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».
Rappelons aussi l’enseignement de l’Arrêt de la Cour de Cassation du 5 mars 2015 relevant :
« La circonstance que l’Association des Copropriétaires n’use ou ne jouit pas pour son propre compte de parties communes ne suffit pas à lui ôter sa qualité de gardienne de celles-ci ».
Est-ce à dire que dès qu’un sinistre intervient dans un appartement loué et que la cause des infiltrations provient des parties communes, toutes les conséquences de ce sinistre doivent être mises à charge de l’A.C.P. ?
Il convient préalablement d’en revenir aux règles du bail. L’article 15 du Décret Wallon relatif au bail limite, il est vrai, l’obligation de réparation à charge du locataire.
« Le preneur est tenu des réparations locatives ou de menus entretiens.
On entend par réparations locatives ou de menus entretiens les réparations de minime importance et dues à l’utilisation normale des lieux par le preneur ».
Toutefois, il appartient au locataire d’avertir le bailleur des réparations qui incombent à ce dernier.
Comme précisé dans l’ouvrage du SNPC (Propriétaires, Locataires, Vos droits et devoirs, Ed. Wallonie) :
« Cette obligation fait également partie de l’obligation d’utiliser le bien en bon père de famille.
Dès qu’apparaît une dégradation dont la réparation n’incombe pas au locataire, et même si elle ne lui cause pas immédiatement préjudice, celui-ci doit avertir le bailleur. S’il ne le fait pas, il pourrait être responsable de ces dégâts et de leur aggravation éventuelle.
L’exemple le plus courant et le plus fréquent est celui d’une légère tâche d’humidité. Si l’on ne remédie pas rapidement à cet état de chose, l’humidité risque de croître fortement et de provoquer de gros dégâts nécessitant d’importants travaux de réfection.
Le locataire qui aurait négligé d’avertir à temps le bailleur pourrait devoir effectuer les réparations à ses frais ».
Ainsi, un copropriétaire bailleur mis en cause, même avant d’envisager d’interpeler le syndic de l’A.C.P., responsable des parties communes, devra préalablement interroger son locataire sur la date d’apparition de la dégradation éventuellement non dénoncée à temps.
Un silence du locataire ou une réponse évasive ou inexacte peut justifier, si le débat devient judiciaire, que l’expert éventuellement désigné pour éclairer le Tribunal sur les responsabilités et le dommage, soit saisi, dans sa mission, de la question suivante :
« Donner au tribunal tous renseignements utiles sur la date approximative de l’apparition des premières tâches d’humidité dans le bien litigieux ».
Après la dénonciation du dommage par le locataire, dommage qui serait en lien avec l’humidité en provenance des parties communes, le copropriétaire bailleur se doit de répercuter au plus tôt cette dénonciation auprès du syndic.
Et, cette fois, c’est l’A.C.P. qui, en cas de dénonciation tardive par le bailleur, pourrait venir soutenir que la part du dommage aggravé ne peut être mise à sa charge.
Envisageons maintenant les diverses hypothèses susceptibles de se présenter.
1. Le syndic ne réagit pas malgré plusieurs rappels et le dommage ne cesse de croître.
Dans ce cas, le syndic qui commet une faute, pourrait être tenu responsable, sur son patrimoine, du dommage aggravé.
S’il est démontré que l’inertie du syndic est fautive et que le dommage est en relation causale certaine avec celle-ci, la responsabilité du syndic pourrait être retenue.
2. Le syndic réagit et accepte de considérer le travail à réaliser sur les parties communes comme urgent et conservatoire.
L’article 3.89 §5, 2° relève : « Le syndic est chargé… d’accomplir tous actes conservatoires et tous actes d’administration provisoire ».
Quels sont les critères à retenir pour qualifier un acte de conservatoire du ressort du syndic sans décision préalable de l’Assemblée générale ?
Il nous apparaît que l’analyse doit prendre en compte deux critères.
Celui du risque de voir, à court terme, une situation se détériorer.
Celui de l’ampleur des travaux requis.
La difficulté pour le syndic proviendra surtout de l’appréciation du second critère. Le syndic osera-t-il, s’il s’agit de travaux urgents mais conséquents nécessitant une dépense importante, engager l’A.C.P. avec le risque d’une absence de ratification par celle-ci ou de reproches formulés sur le type de travaux commandés ?
Certes, on pourrait imaginer que le syndic décide de travailler par étapes :
D’abord par la commande d’un travail partiel mais non complet afin « de stopper le dommage ».
Ultérieurement, après vote de l’Assemblée Générale, par la conclusion d’un contrat plus large pour que, de manière plus pérenne, il soit procédé à des travaux complets.
Toutefois, le choix de procéder par étapes s’avérera souvent plus onéreux.
3. Ni le syndic, ni l’Assemblée Générale saisie, ne marquent leur accord sur les travaux à réaliser.
L’article 3.92 §4, alinéa 1er, précise :
« Lorsque, au sein de l’Assemblée Générale, la majorité requise ne peut être atteinte, tout copropriétaire peut se faire autoriser par le Juge à accomplir seul, aux frais de l’Association, des travaux urgents et nécessaires affectant les parties communes ».
Force est de constater que cette disposition légale est rarement appliquée, le copropriétaire, s’il choisit d’en user, devant lui-même préalablement financer les travaux, de surcroît après une procédure judiciaire.
Et pourtant, elle n’est pas dénuée d’intérêt dans la mesure où elle permet d’exonérer le copropriétaire de toute responsabilité dans les dommages susceptibles de se produire par le fait que les travaux litigieux n’ont pas été exécutés (article 3.92, §5 C.C.).
En conclusion
Nous ne pouvons que conseiller aux copropriétaires bailleurs mais aussi occupants, lors d’apparition d’humidité dans leur bien en relation avec un vice des parties communes, d’avoir une démarche proactive rapide aux fins d’éviter une aggravation du dommage, la part de cette aggravation consécutive à leur retard dans la dénonciation pouvant leur être imputée.