Nous partirons d’un jugement du Tribunal de Première Instance francophone de Bruxelles du 2 avril 2021 (R.C.D. septembre 2022 – III, p. 37).
Un copropriétaire entendait remettre en question les comptes individuels le concernant dressés par le syndic.
Il considérait en effet que la répartition des charges entre les copropriétaires n’avait pas été soumise à la contradiction.
Partant, sa contestation, selon lui, était recevable et fondée.
Reprenons les divers enseignements du Tribunal.
1. Quant aux principes à retenir sur l’approbation des charges
« En principe, lorsque les charges dont le paiement est poursuivi ont trait à un exercice approuvé, la preuve de la créance sera suffisamment rapportée par la production des documents suivants :
Extraits de la comptabilité reprenant le solde débiteur du copropriétaire et décision d’approbation de l’Assemblée.
L’approbation des comptes emporte en tout cas approbation du décompte individuel de charges de chaque copropriétaire lorsqu’il est établi que la répartition même des charges entre copropriétaires a été soumise aux copropriétaires.
En effet, lorsque les décomptes des charges litigieux ont été approuvés par les Assemblées Générales successives, il faut en déduire que les dépenses mises à charge des copropriétaires, ainsi que leur répartition, ont été acceptées et avalisées par l’Assemblée Générale et que n’ayant pas fait l’objet d’un recours, ces décisions sont définitives et s’imposent à tous les copropriétaires.
Les montants réclamés par la Copropriété sont par conséquent incontestablement dus et toute discussion sur d’éventuelles erreurs de calculs, d’imputation et/ou d’opportunités de certaines dépenses, est vaine.
Aussi, des copropriétaires ne peuvent pas remettre en question la répartition des frais ou le calcul des charges dès lors que la décision d’approbation des comptes par l’Assemblée Générale, non contestée dans le délai requis, porte tant sur les comptes généraux que sur les comptes individuels des copropriétaires, ceux-ci ayant été intégrés dans les documents et discutés, de sorte que les copropriétaires étaient parfaitement informés de la répartition entre eux et des montants résultant de leur décompte individuel, à tout le moins des soldes créditeurs et débiteurs de chacun ».
Mais encore faut-il, en cas de contestation, qu’il puisse être établi la connaissance effective de ces comptes individuels via le site INTERNET existant.
2. Quant à la preuve de la connaissance effective de ces comptes individuels via le site INTERNET
Le Tribunal, bien naturellement conscient de l’importance de la connaissance par chaque copropriétaire de ces comptes individuels, poursuit :
« En application des principes rappelés ci-dessus et à l’instar du premier Juge, il convient dès lors de s’interroger si la répartition des charges entre les copropriétaires a été soumise à ces derniers ».
C’était la question centrale dans ce litige car la Copropriété en question travaillait avec un site INTERNET.
Et le Tribunal de poursuivre :
« Le système utilisé dans la Copropriété litigieuse consiste en un site INTERNET dédié à la Copropriété sur lequel le syndic publie tous les documents utiles aux copropriétaires (convocations aux Assemblées Générales, comptabilité, état détaillé des dépenses pour l’exercice écoulé, budget à voter pour l’exercice suivant, appels de fonds, décomptes individuels « répartition exercice » accessibles aux copropriétaires concernés, factures, etc…).
Chaque copropriétaire a constamment accès à ce site et peut, à tout moment, consulter et/ou télécharger les documents y publiés par le syndic
Le syndic recourt par ailleurs à un système de notification des copropriétaires par courriels pour les avertir que des nouveaux documents ont été publiés sur le site »
Le Tribunal, poursuit en considérant que tous ces documents devaient être connus et étaient connus par les copropriétaires qui contestaient les comptes.
Conclusion
Nous nous interrogeons sur le danger que peut représenter le recours au site INTERNET par le syndic.
Il est évident que c’est un outil qui se propagera de plus en plus, surtout dans les grandes Copropriétés.
Et on peut légitimement considérer qu’un nombre important de copropriétaires, actuellement, a accès à INTERNET et peut donc effectuer toutes les vérifications utiles pour autant que le site soit clairement présenté et que les chiffres produits, par un système simple, renvoie aux pièces probantes aisément consultables.
Mais il reste encore une tranche de copropriétaires, notamment parmi les plus âgés, qui ont une certaine réticence à l’utilisation de cet outil.
Aussi, nous permettons-nous certaines réflexions :
Il est déterminant que le site créé permette, par des renvois aisément compréhensibles, d’accéder à toutes les pièces probantes justifiant les chiffres présentés, qu’ils relèvent des comptes généraux ou des comptes individuels propres à chaque copropriétaire
L’Institut Professionnel des Agents Immobiliers (I.P.I.) pourrait, à cet effet, si ce n’est déjà fait, participer à la création d’un canevas commun à destination des syndics aux fins de permettre une lisibilité maximale du site ainsi créé.
Comme précisé supra, au vu de la réticence encore existante de certains copropriétaires (plus âgés) à l’utilisation de cet outil, il est déterminant que le syndic (ce qu’a d’ailleurs relevé le Tribunal) recoure à un système de notification aux copropriétaires par courriels pour les avertir de la publication sur ledit site.
Il se pose aussi la question de la possible visualisation des comptes individuels par tous les copropriétaires alors que ces comptes ne concernent qu’un copropriétaire
Est-il légitime que soit ainsi connu par tous les frais de chacun et les arriérés de charges si elles sont intégrées dans ledit décompte ? N’y aurait-t-il pas alors une atteinte à la vie privée ?
En d’autres termes, les décomptes individuels ne doivent-il pas être communiqués exclusivement à chaque copropriétaire, en évitant une publication sur le site accessible pour tous ?Les outils informatiques devraient permettre, moyennant un code propre à chacun, à ce que seul le copropriétaire concerné puisse accéder à son propre compte.
Gageons que les syndics sont sensibles au respect du règlement général pour la protection des données à caractère personnel