La rétroactivité d’une mesure fiscale relative aux donations non enregistrées donne lieu à une interprétation contestable de l’administration.
Depuis le 1er janvier 2022, le délai de reprise fiscale est passé de 3 ans à 5 ans en région wallonne.
Par « reprise fiscale » on entend la réintroduction d’une donation dans la succession du donateur.
Cela concerne les donations non enregistrées, le plus couramment effectuées par simple virement bancaire des parents vers un compte de leurs enfants.
C’est bien entendu également le cas pour un virement bancaire vers une personne qui n’est pas apparentée, dès lors que le virement est fait sans contrepartie, à titre gratuit.
Le nouveau décret implique qu’au décès d’une personne résidant en Wallonie, les héritiers doivent déclarer les donations qui remontent à 5 ans maximum avant le décès.
Le décret wallon prévoit deux exceptions :
La donation a été effectuée avant le 1er janvier 2022 ; dans ce cas, c’est l’ancien délai de 3 ans qui persiste ;
La donation a été enregistrée avant le décès, avec paiement des droits de donation : si la donation est mobilière, l’enregistrement ou la passation de l’acte notarié est libératoire, en ce sens que les héritiers sont libérés de tout droit de succession. Mais si la donation est immobilière, la valeur déclarée des immeubles donnés devra réintégrer la déclaration de succession pour calculer le taux de progressivité des autres actifs de la succession, dans ce fameux délai de reprise de 3 ans.
Dans ce dernier cas, les héritiers ne devront plus payer de droits de succession sur les immeubles qui ont été donnés du vivant de la personne défunte, mais le taux de taxation des autres actifs restant au décès, sera plus élevé.
Au départ, le texte proposé n’excluait pas les donations non enregistrées effectuées avant le 1er janvier 2022, de sorte que le décret avait un effet rétroactif.
Ainsi, par exemple, une donation non enregistrée effectuée en 2018 aurait dû intégrer l’actif successoral d’une succession ouverte en 2022, même si les trois ans étaient écoulés, mais pas encore les 5 ans.
Un amendement a modifié cela à la dernière minute pour supprimer l’effet rétroactif, seules les donations effectuées à partir du 1er janvier 2022 sont visées par la nouvelle mesure.
Toutefois, cet amendement a omis de revoir le projet dans la mesure où il visait un autre article sur le délai d’enquête de l’administration qui lui est bien passé de 3 ans à 5 ans.
Ainsi, par exemple, si le défunt a vendu un immeuble en 2018, qu’il donne le prix de vente à ses enfants sans acte enregistré, par simple virement bancaire, ses enfants devront tout de même se justifier s’il vient à décéder en 2022. C’est étonnant car l’ancien délai de 3 ans était déjà écoulé avant l’entrée en vigueur de la nouvelle règlementation.
L’administration fait une lecture littérale qui, à notre avis, est contraire à la volonté du législateur wallon du fait de l’adoption de l’amendement.
Nous invitons nos membres qui sont interrogés par l’administration pour des ventes remontant à plus de 3 ans à prendre contact avec nos services.
Enfin, nous résumons la situation des reprises fiscales pour les successions dans les trois régions belges :
Délais de reprise fiscale des donations dans les successions d’un résident belge (*) | |||
Type de donation
| Bruxelles | Flandre | Wallonie |
Mobilière non enregistrée | 3 ans | 3 ans ou 7 ans | 5 ans |
Mobilière par acte enregistré | Pas de reprise | Pas de reprise | Pas de reprise |
Donation immeuble situé en Belgique | Pas de reprise | 3 ans | 3 ans |
Donation immeuble situé à l’étranger | Pas de reprise | Pas de reprise | Pas de reprise |
(*) reprise fiscale : les biens donnés doivent être « repris », c’est-à-dire déclarés dans la succession du donateur, s’il n’a pas survécu durant une certaine période
Pour être complet, nous rappelons que la question des délais de reprise est non seulement différente selon les trois régions belges, mais elle est également différente dans les autres pays.
Ainsi, il y a des pays qui ont supprimé les droits de succession, comme la Suède, ou qui n’en connaissent pas ou peu comme le Luxembourg, la Suisse ou l’Italie.
Mais il y a aussi des pays qui peuvent réserver de grosses surprises comme la France, qui connaît un délai de reprise fiscale de 15 ans, l’Allemagne 10 ans, le Royaume-Uni 6 ou 7 ans et enfin les Pays-Bas, un an, mais avec des conditions.