L’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS) a sorti au début du mois de mars une étude sur la structure de la propriété des logements en Wallonie s’intéressant plus spécifiquement aux bailleurs.
Nos membres le savent, sous différents aspects les bailleurs sont sur le grill, moins en Flandre et en Wallonie qu’à Bruxelles.
Il n’en demeure pas moins que le sport actuel de certains politiques à Bruxelles et en Wallonie est de tenter de démontrer que les logements donnés en location ne seraient détenus que par une minorité de super riches et de surcroît multipropriétaires. Et alors haro sur la bête.
D’où la multiplication des études qui ont pour but d’identifier de manière plus précise le monde des bailleurs.
Avec l’étude de l’IWEPS, ils vont déchanter et plusieurs stéréotypes sont sérieusement remis en question confirmant ce que le Syndicat National des Propriétaires et des Copropriétaires dit de longue date. Nous pensons principalement au fait que les logements donnés en location se répartissent sur un très grand nombre de personnes et non une minorité dénoncée aujourd’hui comme des multipropriétaires.
Voici ce qu’il ressort de cette étude :
Logements et bailleurs
Sur les 1 673 316 logements recensés, la majorité (56,5%) est occupée par leur propriétaire. Plus d’un logement sur cinq (21,4%) est loué par un bailleur particulier soit environ 358.000 biens.
Les logements « vides » dont le propriétaire est un particulier représentent près d’un logement sur dix (9,1%). Cependant, cette catégorie comprend des réalités très différentes : logements loués à des personnes ne s’y domiciliant pas (ex. des étudiants), logements de vacances, secondes résidences, logements en travaux, erreurs dans le cadastre, etc.
Un peu plus d’un logement sur vingt (6,1%) est la propriété d’une société de logement social.
Les sociétés privées sont peu actives sur le marché immobilier wallon : elles ne possèdent que 4,3% du parc. En outre, ces logements semblent correspondre à des réalités aussi diverses : location de logements dans un but lucratif, mais aussi acquisition de logements en vue de transformer l’usage du bâtiment, logements de fonction, etc. En Wallonie, seul un logement sur quatre cents (0,2% du parc) appartient à une société dont l’objectif, tel qu’enregistré à la BCE, est explicitement la location de logements à des fins lucratives. Ces différents types de propriété de logements ne sont pas uniformément répartis sur le territoire. Par exemple, les logements loués sont bien plus fréquents en ville que dans les zones rurales.
Parmi les 357 767 logements loués par un particulier, 43% ont un propriétaire qui ne met en location qu’un seul logement, 19% en ont un qui en loue deux, 16% en ont un qui en loue trois ou quatre, 14% en ont un qui en loue entre cinq et dix et 7% en ont un qui en loue plus de dix. Les très grands propriétaires sont très peu fréquents : seuls 0,2% des logements loués par un particulier ont un bailleur mettant en location plus de 50 logements. Il est possible qu’à partir d’un certain portefeuille immobilier, les bailleurs particuliers créent une société pour gérer leur activité de location. Cependant, peu de logements appartiennent à des sociétés déclarant explicitement la location de logements dans leurs activités : ce type de propriété ne concerne que 0,2% de tous les logements en Wallonie.
Le genre et l’âge des bailleurs
Il y a plus de deux fois plus de logements avec un bailleur masculin qu’avec un bailleur féminin – et cette part s’accroît chez les grands bailleurs.
En Wallonie en 2011, un quart des logements sont loués par un bailleur de moins de 44 ans, un autre quart par un bailleur âgé de plus de 67 ans, et la moitié restante se situe entre ces deux âges.
Sur le plan socio-professionnel
Il s’agit aussi très largement de personnes bénéficiant d’autres revenus. Si l’on ne prend pas en compte les loyers perçus, leurs revenus sont légèrement supérieurs à ceux de la population wallonne de même âge. En termes de statut professionnel, chez les bailleurs, on observe une surreprésentation des indépendants, et en particulier des indépendants avec personnel. En effet, alors que 21,4% des logements loués ont un bailleur qui travaille comme indépendant (et même 9,6% qui est indépendant avec personnel), cette même catégorie ne correspond qu’à 7,4% de la population wallonne d’âge équivalent (et il n’y a que 2,3% des Wallons de cet âge qui sont des indépendants avec personnel).
Quant aux revenus des bailleurs
Si, du point de vue des revenus, les bailleurs se distinguent assez peu de la population de même âge, ce n’est pas le cas des locataires. Ceux-ci sont généralement beaucoup plus pauvres que la population dans son ensemble, et a fortiori que les bailleurs. Ainsi, à titre d’exemple, en Wallonie, près de la moitié des locataires (46%) gagnent moitié moins que leur bailleur – et cette différence est calculée sans tenir compte des loyers versés et perçus.
Ces résultats qui éclairent le profil des bailleurs tendent à infirmer deux préjugés opposés sur les bailleurs.
D’un côté, les bailleurs ne font pas majoritairement partie des « très riches » (par exemple les 1% les plus riches). La Wallonie est une région de « petits » bailleurs.
L’immobilier résidentiel locatif est plutôt la propriété d’une « classe moyenne supérieure » que de la « grande bourgeoisie ». Ils constituent d’ailleurs un groupe social numériquement non négligeable : 13,6% des ménages wallons sont des bailleurs.
De l’autre côté, les bailleurs ne sont pas « pauvres ». Ils n’ont pas « besoin » de leurs loyers pour « survivre » ou même « vivre dignement ». Celui-ci constitue avant tout un supplément ou un « bonus » par rapport à d’autres revenus qu’ils perçoivent (salaires, revenus d’une activité indépendante, pensions, allocations, etc.).
Le SNPC l’a toujours dit également, l’investissement immobilier est vu par un certain nombre de personnes comme un moyen de se constituer des revenus et surtout une pension complémentaire.
Dans le même ordre d’idées, une étude parue il y a quelques années sur le bien-être des pensionnés ne manquait pas de préciser que les pensionnés propriétaires de leur logement étaient bien mieux lotis que ceux qui ne l’étaient pas.
D’où l’importance de l’investissement immobilier tant pour les bailleurs que pour les propriétaires occupants pour assurer leur équilibre financier et leur bien-être.
En revanche, soutenir de manière générale et sans nuance que « les bailleurs ne sont pas pauvres et n’auraient pas besoin de leurs loyers pour survivre » nous apparait osé en regard du profil d’un certain nombre de membres du SNPC et de bailleurs en général que nous rencontrons.
Même sans leurs revenus locatifs, leurs revenus sont en moyenne (un peu) supérieurs à ceux de la population de l’ensemble de la Wallonie. Du point de vue du patrimoine, ils sont aussi plus riches qu’un ménage médian. En effet, la très grande majorité d’entre eux possède sa résidence principale en plus des ou du logement(s) mis en location : en Wallonie, 84% des ménages bailleurs sont propriétaires du logement qu’ils occupent.
Contribution des bailleurs face à l’envolée du coût de la vie : blocage des loyers, limitation de l’indexation, taxation…
L’étude conclut ceci :
« À l’heure où l’on se pose la question de la contribution des bailleurs face à l’envolée du coût de la vie, que ce soit à travers un blocage des loyers, une limitation de leur indexation ou une taxation de ceux-ci, nos résultats suggèrent la double conclusion suivante – qui fait d’ailleurs écho à la littérature.
D’une part, il ne nous semble pas pertinent de « faire payer » spécifiquement les bailleurs. En effet, tant au niveau du patrimoine qu’au niveau des revenus, il existe des ménages bien plus riches que ceux-ci. »
Le SNPC est heureux de l’entendre.
« D’autre part, il n’est pas non plus pertinent d’immuniser les bailleurs de toute contribution financière. Les bailleurs appartiennent généralement à des catégories sociales « aisées » et ils bénéficient d’autres revenus qui sont « suffisants » pour vivre. Ainsi, plutôt qu’une taxe uniforme des loyers ou un blocage de ceux-ci, une taxation plus globale et progressive des revenus locatifs – de préférence nette de frais – ou même mieux de l’ensemble des revenus du capital (loyers, mais aussi revenus du patrimoine financier) semble plus juste socialement car les ménages plus aisés – notamment les grands bailleurs – seraient proportionnellement plus mis à contribution que dans une taxation unique et identique de chaque loyer – qui toucherait uniformément les grands et les petits bailleurs. »
Cette approche laisse le SNPC assez perplexe en regard de l’important niveau de taxation de l’immobilier que les auteurs de cette étude de l’IWEPS passent sous silence : taxation impôt des personnes physiques (IPP), précompte immobilier (PI), droits de succession, droits d’enregistrement, droit de donation, multitude de taxes communales et provinciales sur l’immobilier.
Par ailleurs, pour ce qui est du coût de la vie, les bailleurs dans leurs dépenses spécifiques à leur patrimoine immobilier encaissent tout autant si pas plus avec l’indexation des revenus cadastraux pour la taxation IPP et le PI, l’augmentation des primes incendie avec l’indice ABEX et l’explosion des coûts de la construction et de la rénovation.