« Le blocage des loyers chérit ceux qui ont déjà un logement, mais il pénalise ceux qui n’en ont pas encore. »
A l’approche des élections, certaines voix s’élèvent pour bloquer ou encadrer les loyers.
Il existe cependant d’autres politiques possibles pour sécuriser un locataire dans son logement comme le conventionnement volontaire, ce qui était d’ailleurs prévu au programme du gouvernement bruxellois, mais qui finalement n’a pas été adopté à cause de l’état délabré des finances publiques de la région bruxelloise.
Un blocage autoritaire des loyers comme demandé par ces partis, aura toutefois des conséquences néfastes pour les jeunes qui cherchent à se loger dans une zone où les loyers sont plafonnés.
Il y a comme des vases communicants : au plus les loyers existants seront plafonnés, au plus les nouveaux loyers demandés seront élevés.
C’est ce qui a été observé à Berlin où la mise en location de nouveaux logements a baissé à cause de la mesure de plafonnement des loyers décidée en 2020 ; alors que Berlin était une des seules villes moins chères que Bruxelles, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Par ailleurs, certains pays ne parviennent pas à se défaire du poids des lois de plafonnement des loyers, et cela durant des générations, comme la France, le Portugal et les Pays-Bas.
Aux Pays-Bas, la situation est chaotique dans les grandes villes, tant l’investissement privé dans l’immobilier locatif fait défaut à cause d’une longue tradition de système de points. Selon le fondateur de Pararius, l’Immoweb hollandais, la raison est à chercher dans une législation de plus en plus contraignante pour les bailleurs qui, découragés, cherchent à vendre plutôt que de relouer lorsqu’un immeuble se libère.
Amsterdam est ainsi passé au niveau de Paris et les villes moyennes hollandaises comme Eindhoven, Utrecht et Den Bosch y connaissent des loyers plus élevés qu’à Bruxelles, sans parler de Rotterdam qui a connu une hausse des prix des loyers de 40 % en 7 ans.
N’oublions pas que Bruxelles est la ville la plus cosmopolite d’Europe, selon Visit.Brussels, et que la présence des institutions internationales exerce une influence sur les prix.
La législation en France a souvent été prise en exemple par la Secrétaire d’Etat au logement de la Région de Bruxelles. Elle estime que les locataires y sont mieux protégés. C’est inexact dans les faits, car ils payent beaucoup plus ! Dans 6 villes françaises, le prix des loyers est plus élevé qu’à Bruxelles : Paris, Nice, Lyon, Bordeaux, Lille et Marseille.
Une capitale à examiner est Vienne qui connaît des loyers assez proches de Bruxelles avec une population plus importante, mais avec une zone géographique nettement plus grande (414 km² contre 161 km² pour Bruxelles). De ce fait, au plus on s’écarte du centre, au plus la taille des logements augmente et au plus le coût du loyer au m² diminue.
Cette ville a su mener une politique équilibrée entre les logements privés et ceux du secteur public construits à partir des années 1920, mais - cela doit être souligné - grandement aidée par la réduction d’un tiers de ses habitants après la première guerre mondiale.
Ainsi Vienne a perdu 688.000 habitants entre 1916 et 2001, pour en regagner 431.000 entre 2001 et 2023. C’est une donnée qu’il ne faut pas négliger car les prix de l’immobilier sont fort influencés par l’évolution de la démographie.
Ce miracle viennois semble ainsi s’essouffler depuis que la demande de logements est repartie à la hausse et que la liste d’attente pour accéder à un logement public s’est bien allongée.
Cela explique qu’au m² Vienne est la moins chère toutes locations confondues, mais pour les nouvelles locations, Vienne est redevenu nettement plus chère que Bruxelles.
C’est cela tout le dilemme du blocage des loyers, il chérit ceux qui ont déjà un logement, mais il pénalise ceux qui n’en ont pas encore.
Voici la comparaison des loyers pratiqués dans les grandes villes européennes :
Comparaison des loyers moyens pour les nouvelles locations d’un appartement 2 chambres (*) | Loyer mensuel au m² (**) | |
1. Paris | 2.200,00 | 28,50 |
2. Copenhague | 1.950,00 | 21,30 |
3. Lisbonne | 1.850,00 | 13,70 |
4. Munich | 1.800,00 | 19,80 |
5. La Haye | 1.650,00 | 17,90 |
6. Berlin | 1.600,00 | 16,30 |
7. Vienne | 1.550,00 | 09,10 |
8. Prague | 1.550,00 | 14,40 |
9. Madrid | 1.400,00 | 21,50 |
10. Bruxelles | 1.300,00 | 14,00 |
* source : Eurostat, 2023 ** source : Deloitte, Property index, août 2023 | ||
Conclusion
Le site immobilier Housing Anywhere titrait récemment que Bruxelles est la capitale d’Europe de l’Ouest où les loyers sont les plus abordables en 2023.
On peut s’en réjouir, car Bruxelles accueille également de nombreux fonctionnaires internationaux et des lobbyistes européens. Ainsi une ville comme Genève qui accueille également des institutions internationales, connait des loyers nettement plus élevés que ceux pratiqués à Berne ou à Zürich.
Ce n’est heureusement pas le cas à Bruxelles, cela tient à deux facteurs :
le nombre de bailleurs privés est exceptionnellement important en Belgique ; tous ces particuliers qui mettent leur épargne dans l’immobilier locatif contribuent largement à maintenir une politique sociale du logement. Ce fait est malheureusement fort méconnu ;
Bruxelles perd sa classe moyenne au profit de la périphérie du Brabant-wallon et du Brabant-flamand ; reste une population plus précarisée à Bruxelles qui n’est pas en mesure de payer les loyers pratiqués dans les autres grandes villes européennes.
